Nostalgie de la puissance d'un côté / Nostalgie de la liberté de l'autre...
Beaucoup de peuples sur cette terre vivent dans la nostalgie de leur gloire passée, de leur puissant empire perdu... Ces peuples généralement vantent les mérites de la pacification du territoire qu'ils avaient conquis et de la civilisation dont le monde aurait bénéficié grâce à eux. Par certains côtés les beaux restes qui subsistent de cette expansion pourraient nous faire admirer le passé des conquérants... Mais il ne faut surtout pas oublier : 1. Un peuple conquis est toujours un peuple soumis. 2.Un peuple soumis est humilié en permanence directement et indirectement. 3. A cette humiliation s'ajoute la persécution quand ce peuple refuse d'être humilié. 4. Si la persécution ne suffit pas à écraser l'énergie de ce peuple, elle peut se poursuivre en génocide...
La nostalgie de la liberté disparue est d'un autre ordre... Ce blog veut témoigner pour Chypre. Il se composera d'articles glanés ci et là sur le web soit en français soit que j'aurais traduits Puissent les lecteurs francophones en prendre connaissance ! ____________________________________________
Sainte Vriyaini est une sainte chypriote honorée dans le village de Mandria à Paphos. À Mandria se trouve la chapelle dédiée à Sainte Vriyaini qui est la seule chapelle au monde dédiée à cette Sainte.
Jusqu'en 1963-64, le village de Mandria à Paphos était un village mixte où vivaient à la fois des Grecs et des Turcs. En 1960 le village comptait 404 habitants. Les Chypriotes turcs étaient 329 et les Chypriotes grecs 79. Lorsque les conflits bicommunautaires entre les Grecs et les Turcs de Chypre ont eu lieu en 1963-64, les habitants grecs ont quitté leur village et celui-ci est devenu une enclave turque et aucun Grec ne pouvait s'y rendre.
En 1974, après l’invasion turque, les Chypriotes turcs sont partis et se sont rendus dans les territoires occupés. Des réfugiés chypriotes grecs du nord se sont installés dans le village. Le village est situé au bord de la mer et très proche de la ville de Paphos. C'est aussi l'un des villages les plus prospères de Chypre.
Dans le village il y avait une église dédiée aux saints Andronikos et Athanasia (aujourd'hui reconstruite) et cinq chapelles dédiées à saint Héliodore, saint Euresi, saint Eulogos, sainte Augona (Arkona) et sainte Vriyaini.
Après 1963, lorsque les Chypriotes grecs sont partis et que les Chypriotes turcs sont restés, tout a été détruit. Aucune de ces chapelles n'existe plus, à l'exception de la chapelle qui est la seule chapelle au monde dédiée à cette Sainte qui a été reconstruite après l'invasion turque de 1974 par une famille de réfugiés du village d'Assia, après que le Saint eut eu une vision pour eux et leur montra où se trouvaient les ruines de sa chapelle.
La chapelle Sainte Vriyaini a été frappée à trois reprises par les habitants chypriotes turcs du village. En 1975, parmi les réfugiés arrivés à Mandria chassés par l'envahisseur turc, se trouvaient également une femme d'Assie, Stavroula Stakos, alors âgée de 30 ans, avec son mari, Andreas Panagis Stakos, et leurs cinq enfants : Photini. , Paniko, Despo, Photis et George.
Rien à cette époque ne ressemblait à la chapelle car les ruines en étaient enfouies sous le sol.
Une nuit, cependant, une belle femme vêtue de noir apparut dans le sommeil de Stavroula et lui dit :
«— Stavroula, arrête de pleurer et vide la valise avec tes affaires. Il n'y a pas de retour en arrière, c'est ici que tu vas rester. Lève-toi et prends ton mari et va me construire ma maison.
— Votre maison, madame ? Mais nous n’avons pas d’argent, nous sommes démunis. Nous avons quitté notre maison avec les vêtements que nous portons, avec cinq bébés, sans travail, comment allons-nous construire votre maison pour vous ?
— Stavroula, je veux que tu ailles reconstruire ma maison pour moi, et si tu le veux, tu y restes aussi.
— Et où est votre maison ?
— Pars et tu la trouveras.
— Je ne connais pas du tout ce pays, avec cinq bébés, où dois-je aller chercher ?
— Je veux que tu fasses ce que je t'ai dit.
— Très bien , mais où est votre maison ?
Alors la grande et belle dame en habit lui prit la main et la conduisit hors du village vers des champs près de la mer et à côté de grandes grottes.
— Tu vois ? C'est ma maison. Les Turcs l'ont ruinée. Souviens-toi de ça. Ne l'oublie pas. Prends ton mari et viens me la construire.
— Et qui êtes-vous, madame ? Quel est votre nom ?
— Je m'appelle… et n'oublie pas ce que je t'ai dit. »
Stavroula s'est réveillée paniquée, mais elle ne se souvenait plus du nom de cette femme en rason.
Dans leurs efforts pour se remettre sur pied après la guerre, Stavroula et son mari Andreas ont laissé passer les jours et la vision de Stavroula a été mise de côté pendant un moment, sans bien sûr être oubliée une minute. Stavroula ne cessait de raconter sa vision, peut-être parviendrait-elle à se souvenir de ce nom étrange de la belle femme à l'habit de moniale. ce fut en vain. Tous les habitants de ce village étaient tous des réfugiés. Pas de locaux.
Après un certain temps, par une nuit calme, la belle femme en rasson réapparut dans le sommeil de Stavroula et lui dit :
«— Stavroula, je t'ai dit que je voulais que tu ailles me construire ma maison et tu n'y es pas allée. Maintenant que tu t'es un peu remise sur pied avec ton mari, tu vas le chercher et aller la construire. Pour moi.
— Dites-moi encore votre nom, madame, parce que je ne m'en souviens pas.
— Mon nom est …. »
Stavroula s'est réveillée paniquée de son sommeil et a essayé en vain de se souvenir du nom de cette femme, mais rien.
Mais Stavroula n'a pas abandonné. Elle racontait et racontait son rêve partout, peut-être qu'une circonstance l'aiderait à se souvenir du nom étrange de cette femme. Elle regardait partout. Elle a demandé à tous ceux qu'elle a rencontrés. Jusqu'au matin où un vieux monsieur est venu à Mandria pour affaires, il a rencontré le mari de Stavroula et pendant qu'elle racontait et racontait son rêve, elle lui en parlait aussi puisqu'il habitait un village voisin.
«— Avez-vous entendu un nom étrange, une sainte dont l'église a été construite ici avant la guerre ?
— Il y avait autrefois une chapelle, à l'extérieur du village, près de la mer, dédiée à Sainte Vriyaini.
Stavroula n'a pas pu se retenir et a éclaté en sanglots et en larmes s'exclama :
— C'est ça. C'est le nom ! »
Elle courut voir le prêtre du village de Timi et lui dit de se rassembler pour trouver l'endroit que la Sainte lui avait indiqué. Et miraculeusement l'église fut révélée, ensevelie dans l'espace et dans le temps, en ruines, détruite, brûlée... L'exhumation eut lieu sous leurs yeux. Seules les fondations avaient été conservées.
« — Père, réjouis-toi ; commande-moi l'icône. Mais s'il te plaît, quand ce sera fini, rapporte-la-moi à la maison pour que je puisse la voir, pour voir si c'est la même apparence que celle que j'ai vue dans mon rêve. Alors, quand est-elle fêtée, Père ?
— Le 30 août et le mardi lumineux.
Alors Stavroula dit :
— Père, c'est le 30 août que j'ai fait le rêve. Je veux vraiment, mon père, voir l'icône, parce que ce visage que j'ai vu était comme celui de ma mère, que j'ai perdue à l'âge de 13 ans. »
L'icône était terminée. Il s'est d'abord rendu chez Stavroula. Stavroula n'en revenait pas, elle s'est effondrée, a crié : « C'est elle, c'est ma sainte mère, Sainte Vriyaini ! »
Et pourtant Stavroula et son mari n'ont pas oublié ce que leur demandait sainte Vryoni. Avec l'aide de tous les réfugiés arrivés au village et du prêtre de Timi, la maison de Saint Vriyaini a été érigée et construite à Mandria, Paphos, près de la mer, la belle chapelle qui, depuis le jour de sa construction et de sa liturgie en 1982, n'a pas fini de faire des miracles.
Sainte Vryoni semble être très miraculeuse, car avec ses divers miracles, elle augmente d'année en année le nombre de ses pèlerins.
La mémoire de sainte Vriyaini est célébrée le 30 août, jour où se déroule également une fête et où de nombreux croyants viennent vénérer sa grâce. Aussi, les croyants viennent quotidiennement allumer une bougie et prier car la chapelle ne ferme pas.
Nicosie (AFP) - S'il ne tenait qu'aux électeurs du nord de l'île de Chypre, occupé par la Turquie, le président Recep Tayyip Erdogan serait déjà démis de ses fonctions, mais ils pourraient ne pas réussir.
Publié le:
Le vétéran dirigeant turc est considéré comme le favori du second tour des élections de dimanche, considéré comme crucial pour son pays mais également important pour l'île divisée depuis près d'un demi-siècle.
Le conservateur Erdogan se dirige vers le vote du second tour après avoir battu son challenger laïc et de gauche Kemal Kilicdaroglu deux semaines plus tôt, mais n'a pas réussi à obtenir une majorité absolue.
Au premier tour, la République turque autoproclamée de Chypre du Nord (RTCN) a résisté à la tendance continentale, favorisant fortement Kilicdaroglu avec 53,5 % des voix contre 39,4 % pour Erdogan.
Pour beaucoup, le résultat reflétait le mécontentement à la fois d'Erdogan et de la vie dans le petit État qui abrite des Chypriotes turcs ainsi qu'un grand nombre de colons et de soldats du continent turc.
"Il n'y aura des changements ici que si Kemal Kilicdaroglu gagne", a déclaré Necmi Belge, un retraité chypriote turc de 70 ans de nationalité turque, qui a déclaré avoir voté contre Erdogan.
Chypre est divisée depuis 1974, lorsque l'armée turque a envahi le tiers nord de l'île en réponse à un coup d'État qui avait cherché à unir toute l'île à la Grèce.
Une «ligne verte» patrouillée par l'ONU, sécurisée avec des barbelés et des sacs de sable, a depuis traversé l'île méditerranéenne située à environ 100 kilomètres (60 miles) au sud de la côte turque.
'Jeu terminé'
Les séries répétées de pourparlers dirigés par l'ONU n'ont pas réussi à réunir le membre majoritaire de l'UE de langue grecque, la République de Chypre dans le sud, et le petit État turcophone du nord qui n'est reconnu que par Ankara.
Erdogan a fait valoir que l'île devrait être formellement divisée en deux États – une option fortement rejetée par le sud et la communauté internationale qui favorise une fédération bizonale ou bicommunautaire.
Bien que Kilicdaroglu ait peu parlé de la question chypriote, de nombreux observateurs pensent qu'un changement au sommet à Ankara offrirait le meilleur espoir de relancer les efforts de réunification, au point mort depuis longtemps, alors que les relations de la Turquie avec l'UE se sont détériorées sous Erdogan.
Nazif Bozatli, un représentant de la RTCN du parti CHP de Kilicdaroglu, a déclaré que "la solution à deux États d'Erdogan … n'est pas réaliste", alors qu'il votait dans un gymnase de la capitale divisée Nicosie.
Il a ajouté que "nous voulons une fédération mutualiste dans le respect mutuel".
Le président chypriote Nikos Christodoulides a suivi "de très près" les élections turques, a déclaré Ioannis Ioannous, analyste chypriote grec du groupe de réflexion Geopolitical Cyprus.
"Si Kilicdaroglu gagne... l'UE jouera un rôle plus actif" dans la médiation entre les deux parties, a déclaré Ioannous, "et nous aurons une chance réaliste de revenir à la table des négociations".
Près de 144 000 électeurs sont enregistrés dans le nord de Chypre, y compris des colons et des troupes turcs et des Chypriotes turcs qui ont la nationalité turque.
Le résultat du vote du premier tour ressemblait à celui "d'une grande ville d'opposition en Turquie", a déclaré un diplomate étranger, s'exprimant sous couvert d'anonymat, qui l'a interprété comme un rejet de la position d'Erdogan sur la question chypriote.
Mais d'autres ont exprimé leur amertume à propos d'Erdogan prenant les devants. "Game over", a déclaré un avocat chypriote turc. "Il gagnera, peu importe les résultats ici à Chypre … et nous en paierons le prix."
- 'Respect mutuel' -
Belge, le retraité, a exprimé une certaine résignation à propos de l'élection et de son impact probable : "Nous ne nous attendons pas à ce que quoi que ce soit change. Le changement à Chypre doit venir des Chypriotes".
"Mais ils devront également établir une relation plus ouverte et respectueuse avec les Chypriotes turcs."
Immigration : Chypre se déclare en état d'urgence face à l'afflux de migrants syriens
La surpopulation des centres de rétention et les vagues quotidiennes d'arrivées de migrants depuis la Syrie ne permettent plus à Chypre d'accueillir de migrants supplémentaires. En conséquence, l'île a déclaré un état d'urgence migratoire.
Chypre a demandé l'aide de ses partenaires de l'Union européenne face à l'afflux de migrants venus de Syrie, se déclarant en «état d'urgence» à cause de la surpopulation dans ses centres de rétention, a indiqué le 21 mai le ministre chypriote de l'Intérieur.
Selon le ministre Nicos Nouris, l'île méditerranéenne a reçu au cours de la semaine écoulée «une vague quotidienne d'arrivées de migrants» en provenance du port syrien de Tartous. Les côtes syriennes sont à 160 kilomètres de Chypre.
«A cause de cette situation et de la surpopulation dans les centres de rétention, j'ai été contraint d'envoyer une notification écrite à la Commission européenne.», a indiqué Nicos Nouris, soulignant avoir prévenu que Chypre «entrait dans un état d'urgence au niveau migratoire et [qu'elle] n'était plus en capacité d'accueillir des migrants supplémentaires».
Selon lui, près de 4 000 demandes d'asile ont été refusées depuis janvier. Il a requis l'aide de l'Union européenne pour rapatrier ces personnes vers les pays avec lesquels Chypre ne dispose pas d'accord bilatéral, comme la Turquie qui ne reconnaît pas la République de Chypre.
Les autorités chypriotes ont intercepté le 19 mai une embarcation venant de Syrie avec 97 personnes à bord. Et le 21, ce sont 14 Syriens — dont trois enfants — qui sont entrés depuis la République turque de Chypre du Nord (RTCN), qui occupe le tiers nord de l'île.
Le nombre de demandeurs d'asile a atteint au cours des quatre dernières années 4% de la population chypriote, contre 1% pour les autres Etats européens, affirme le gouvernement de l'île.
Plus de 12 000 Syriens ont cherché refuge à Chypre depuis 2011, début du conflit dans leur pays, dont plus de 8 500 ont obtenu une protection internationale, selon le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unie
Le scandale de corruption de l’UE dont les médias « bienpensants » refusent de parler
Article publié le 03.05.2021
Suite à la gestion calamiteuse des masques et des désinfectants au début de la pandémie, Viktor Orban avait prévu la déconfiture à venir et s'était opposé à la centralisation forcée des achats par l'UE. Rapidement il s'était tourné vers la Chine et la Russie pour approvisionner la Hongrie. Alors, la commission de santé avait accusé Orban de contrevenir aux lois européennes et de faire bande à part.
L’UE avait également "chauffé" l'opposition hongroise durant des mois, en affirmant que le gouvernement mettait en danger la santé de sa population avec des vaccins non homologués par l'UE. Orban s'était opposé à la politisation des vaccins, sans même connaître la corruption liée aux commandes qui n'arrivaient pas, au blocage de différents vaccins. Le bilan hongrois, nous l'avions publié ici:
Stella Kirikádes, la commissaire à la santé qui a signé les contrats de vaccination tardifs de l'UE, a été mêlée à un scandale de corruption inacceptable. Beaucoup sont déjà certains qu'elle a été soudoyée par les fabricants de vaccins.
De manière inattendue, exactement 4 millions d'euros, sont apparus dans le compte conjoint de cette commissaire européenne avec son mari. La presse chypriote parle déjà - je cite littéralement - de corruption passive.
L’argent a atterri sur le compte familial de la commissaire par l’intermédiaire de la Cooperative Bank of Cyprus, qui appartient à l’État, et elles ont tenté de le déguiser en une sorte de prêt, un prêt pour éviter un scandale .
L'affaire est trop grosse pour être simplement balayée sous le tapis, car la commissaire européenne à la santé ne dispose d'aucune couverture pour contracter un prêt de cette taille. Comme l’a déjà dit un rapport de la Cour des comptes chypriote: ceci ne peut être un prêt, comme le prétendait la ministre. Stella Kirikádes ne pourra pas rembourser cette somme énorme, ni sur son salaire, ni sur d’autres sources, c’est-à-dire qu’il s’agit clairement d'un déguisement de corruption.
Stella Kirikiades, après sa chute, essaie de s'excuser de toutes les manières possibles. Elle essaie de faire croire que cet argent apparemment « sale » n'a rien à voir avec les contrats de vaccination de l'UE. On essaye de détourner notre attention du fait que cet argent a été versé, selon toute probabilité, par des fabricants de vaccins pour des contrats conclus à des conditions favorables pour eux, ce qui a entraîné des expéditions retardées et d'autres couacs. Pendant ce temps, les journaux chypriotes les plus prudents écrivent, qu'il s'agit probablement d'une corruption passive.
Et ce n'est pas la première fois qu'un commissaire européen à la santé et sa famille sont impliqués dans un scandale de corruption lié à la santé.
Quelques années plus tôt, ce sont ces mêmes personnes, Stella Kirikiades et son réseau, qui se cachaient derrière une banque, lorsque Stella Kirikiades et son équipe ont décidé de privatiser tous les traitements oncologique sur l'île de Chypre et, cela a amené une explosion surréaliste du prix des soins du cancer.
Le nom d'une famille s’enrichissant sur le dos des patients atteints de cancer est devenu un gros scandale dans tout le pays. Lorsque la situation est devenue intenable, la question a été portée devant le Parlement chypriote. Tous les députés ont voté pour la nationalisation des traitements contre le cancer, pour réduire le coût des traitements, à l'exception de la députée Stella Kirikiades. Aujourd'hui, elle est la commissaire européenne chargée de la santé, signataire des contrats de vaccins déjà critiqués par tous ... Elle devrait maintenant expliquer comment 4 millions d'euros ont été mis sur son compte.
Pour l'instant, Bruxelles écoute, peut-être s'agit-il d'un grand silence d'avant la tempête maintenant ?
Miklós Ómolnár avait déjà dévoilé les achats de vaccins à Bruxelles, il s'est avéré, entre autres, que des détails importants étaient masqués dans les contrats de vaccins de l'UE.
La fin d’année 2020 se trouve bien chargée pour la petite île de Chypre. La pandémie ne l’ayant pas épargnée, la réponse y a été rapide et plutôt efficace mais a attisé quelques tensions lors de la fermeture complète de la Ligne Verte, la division qui sépare la partie sous contrôle de la République de Chypre et le nord qui échappe à son contrôle. Puis à la fin de l’été, les tensions autour des hydrocarbures dans la Méditerranée orientale se sont accentuées en touchant directement à la Grèce alors qu’elles affectent Chypre depuis près de deux ans déjà. Puis le 18 octobre s’est joué le deuxième tour de l’élection présidentielle en République Turque de Chypre du Nord (RTNC – l’état auto-proclamé au nord de l’île qui regroupe la quasi-totalité des Chypriotes turcs) où le président sortant favorable à une solution fédérale, Mustafa Akıncı, a été battu par Ersin Tatar, candidat pro-Turquie. Enfin, depuis cette élection, le président turc Erdoğan affirme sa position intransigeante sur le processus de paix.
L’île de Chypre est principalement habitée par deux communautés : les Chypriotes grecs, hellénophones et principalement orthodoxes (entre 70 et 80% de la population totale de l’île), et les Chypriotes turcs, turcophones et musulmans ou laïques (entre 20 et 30% de la population). Lorsque Chypre a obtenu son indépendance en 1960, le pouvoir dans la nouvelle République de Chypre était partagé entre les deux communautés. Cette situation n’a pas duré et a vite dégénéré en guerre civile dès 1963. Cette situation a perduré jusqu’en 1974 quand la dictature des colonels en Grèce a piloté un coup d’État à Chypre pour forcer son intégration à la Grèce. Le 20 juillet de la même année, la Turquie lance une opération militaire pour rétablir l’ordre constitutionnel en appliquant le Traité des Garanties signé en 1960 entre la Grèce, le Royaume-Uni et la Turquie en parallèle du traité d’indépendance. Puis le 14 août lance une seconde opération dans le but de conquérir le nord de l’île. La séparation n’est pas que militaire et les populations se séparent dans un contexte de violences extrêmes de chaque côté. Au sud, la République de Chypre maintenant quasi-exclusivement peuplée de Chypriotes grecs, et au nord la Communauté Chypriote turque qui en 1983 déclare unilatéralement son indépendance sous la République Turque de Chypre du Nord (RTCN). Entre les deux, la Ligne Verte, zone démilitarisée administrée par l’ONU.
Le balancier du processus de paix à Chypre
Jusqu’en 2003, la Ligne Verte était complètement fermée mais suite à une situation économique désastreuse pour le pouvoir en place en RTCN, le président chypriote turc Rauf Denktaş, qui avait proclamé la RTCN en 1983, décide d’ouvrir un point de passage à Nicosie. La pression ne retombe pas et en 2005 il ne se représente pas à sa propre succession comme il l’avait pourtant fait avec succès depuis 1976. C’est le début du balancier. Promoteur d’une politique pro-turc, il est remplacé en 2005 par Mehmet Ali Talat, ouvertement favorable à une solution fédérale à Chypre après l’adhésion de la République de Chypre à l’UE en 2004, sans les Chypriotes turcs. Pendant son mandat de 5 ans, aucun progrès concret n’est atteint pour trouver une solution pérenne à Chypre et il perd les élections de 2010, battu par Derviş Eroğlu, successeur de Denktaş à la tête du principal parti nationaliste pro-turc, l’UBP.
Mais le balancier continue. Les Chypriotes turcs décident de mettre fin au statu quo qui les prive d’existence juridique et les laisse en dehors de l’UE. Ils élisent donc en 2015 Mustafa Akıncı, un nouveau candidat favorable à une solution fédérale. De nouvelles négociations sont lancées en 2017 et aboutissent presque à une solution, le refus catégorique de la Turquie de retirer ses 35 000 soldats stationnés en RTCN fait s’effondrer les négociations. L’élection présidentielle qui a eu lieu cette année en RTCN semblait, début 2020, pouvoir ralentir le balancier et donner plus de temps à Akıncı. Après des semaines de délais dues à la pandémie, le président sortant est finalement battu par Ersin Tatar, candidat de l’UBP.
Il est important de savoir que dans le système politique semi-présidentiel de la RTCN, le Président n’a que peu de pouvoirs par rapport au Premier Ministre élu par l’Assemblée de la République. Le rôle principal du Président est de représenter la Communauté Chypriote turque, notamment dans les négociations pour trouver une solution à la question chypriote. C’est pourquoi ces élections sont importantes dans le contexte des difficultés à trouver une solution puisqu’elles indiquent l’opinion général vis-à-vis des résultats obtenus, ou plus généralement, des échecs.
Depuis la lutte pour l’indépendance de Chypre, le concept de « Taksim » s’est développé pour protéger la communauté chypriote turque de la volonté des Chypriotes grecs d’intégrer la Grèce qui risquait de mener à une expulsion des Chypriotes turcs de l’île. « Taksim » signifie séparation en turc et la politique qui porte son nom vise à séparer les deux communautés sur l’île de Chypre, chacune ayant son propre État. La notion de « Taksim » s’est donc réalisée de facto en 1974 bien que juridiquement la RTCN n’est pas reconnue et la situation est considérée comme transitoire jusqu’à une solution pérenne. Mais le 15 novembre dernier, Erdoğan a fait une visite d’État fortement critiquée (car illégale selon le droit international qui prohibe toute reconnaissance de la RTCN) auprès de Tatar qu’il a lourdement soutenu pendant l’entre-deux tours. Lors de cette visite, le président turc a ouvertement annoncé que la seule solution à Chypre est une solution à deux États, ville fantôme laissée intouchée et inaccessible depuis 1974 par l’armée turque. L’ONU a par deux fois voté des résolutions interdisant toute modification au statut de Varosha tant qu’un accord n’est pas trouvé, mais quelques jours avant le second tour de la présidentielle, [Tatar et Erdoğan ont annoncé l’ouverture partielle de la ville=https://www.rfi.fr/fr/europe/20201009-varosha-station-baln%C3%A9aire-fant%C3%B4me-chypre-nord-c%C5%93ur-enjeux].
Une situation précaire entre les mains d’Erdoğan
Fin 2020, Erdoğan a donc multiplié les provocations sur Chypre après avoir ouvertement menacé Akıncı suite à un article de ce dernier critiquant l’opération militaire turque à Afrin en Syrie, avoir fait construire de nouvelles mosquées dans un pays profondément laïque, avoir fait construire un aqueduc de 90km pour approvisionner la RTCN en eau propre malgré des projets bicommunautaires financés par l’UE, avoir encouragé ses partisans Chypriotes turcs à prendre d’assaut la rédaction du journal indépendant Afrika critique de l’occupation turque du nord de Chypre, avoir mené des exercices militaires dans la ZEE de la République de Chypre et avoir fait s’effondrer les négociations les plus abouties depuis 1974. Le président turc ne cache plus sa politique chypriote : il n’envisage rien d’autre que l’indépendance de la RTCN contre l’avis de tous ses partenaires européens et internationaux. La présence de 35 000 soldats turcs au nord de Chypre doublé d’une ingérence politique et économique de plus en plus affirmée bloque complètement la situation et ne présage rien de positif quant à l’avenir du conflit chypriote. Il est maintenant d’autant plus important de se rappeler deux choses.
Premièrement, la situation n’est pas si simple que ne pourraient le faire croire Erdoğan ou la presse européenne. Les habitants de la RTCN sont fortement divisés sur cette question comme en atteste l’élection du 18 octobre. Tatar l’a emporté avec 51,69% des suffrages exprimés, une exception par rapport aux dernières élections généralement remportées dès le premier tour ou avec une marge de 20% entre les candidats au deuxième tour. La communauté est surtout divisée sur son identité : d’un côté ceux qui veulent rejoindre l’Union Européenne à travers la République de Chypre souhaitent une solution négociée au conflit, de l’autre les nationaliste pro-turcs qui profitent du statu quo sur l’île et de leur proximité avec Ankara qui ne veulent pas que la situation ne change. Ce n’est donc pas que l’île de Chypre qui est divisée, mais aussi la communauté chypriote turque.
Deuxièmement, il faut comprendre qu’à Chypre la Turquie occupe militairement et illégalement le territoire de l’Union européenne. Malgré le fait que les négociations se tiennent toutes sous l’égide de l’ONU et que les États ainsi que l’UE considèrent l’ONU comme seule organisation légitime à gérer ces négociations, le conflit chypriote est une question avant tout européenne. La communauté chypriote turque est divisée entre deux modèles qui ne parviennent pas à conquérir le cœur d’une majorité claire et pérenne. La Turquie s’est d’ailleurs défendue de toute ingérence dans les élections présidentielles et arguant que l’UE n’avait juste pas su répondre aux attentes des Chypriotes turcs et les avait « trahis ». Enfin, les négociations ne dépendent pas que de la RTCN et donc de la Turquie, elles dépendent aussi de la République de Chypre qui a souvent utilisé son statut d’État-membre pour se contenter du statu quo et se permettre une certaine intransigeance pendant les négociations.
Le résultat de l’élection présidentielle en République Turque de Chypre du Nord, dans un contexte de tensions accentuées par les provocations d’Erdoğan, est peut-être le dernier mouvement du balancier. La situation n’ayant que peu changée en plus de 15 ans, le président turc a su en profiter pour renverser l’équilibre et changer de stratégie. Peut-être est-il temps que l’Union européenne le fasse à son tour, sinon elle risque de perdre pour de bon une partie de son territoire, de ses citoyens et de sa crédibilité géopolitique.
Vers 1230 avant J.C, les Mycéniens fuient la Grèce continentale, s'installent à Chypre. Des colons Achéens suivirent leurs traces quelques années plus tard. Ils introduisirent à Chypre la langue grecque qui fut adoptée par le peuple Chypriote. Dès le IIème siècle avant J.C, l'île était hellénisée.
Les grandes catastrophes naturelles eurent lieu vers 1075 avant J.C. Le peuple Chypriote devait reconstruire de très nombreuses villes. Pour son bonheur et son malheur, le sous-sol de Chypre était riche en cuivre. Le commerce se développa avec les pays méditerranéens, des comptoirs commerciaux s'installèrent sur les côtes de l'île. Cette richesse excita l'envie des grandes puissances de l'époque, il était plus intéressant de conquérir le pays que d'acheter le cuivre.
Vers 1900 avant notre ère, les Phéniciens s'installent à Chypre, étendent leur pouvoir sur tout le pays, pour mettre sous leur contrôle les mines de cuivre. Vers 750-745 avant J.C, les Assyriens font la conquête de Chypre, puis vers 570 avant notre ère, le pays est conquis par le Roi d'Egypte : Amasis. Face à l'oppression égyptienne, les Chypriotes deviennent plus conscients de leur identité Grecque.
En 545, les Egyptiens cèdent Chypre aux Perses qui opprimèrent sans merci le peuple Chypriote. Leur domination durera deux cents ans. La majorité des Chypriotes firent de leur culture grecque le symbole de la résistance au despotisme oriental. Le goût de la lutte naquit en eux. En 499, les Chypriotes se sont révoltés contre les Perses. La victoire leur échappe et les Perses firent payer cher au peuple, par des crimes et des destructions à grandes échelles.
Au cours des 5ème et 6ème siècles avant notre ère, les Chypriotes qui avaient alors acquis une conscience nationale et le sentiment de leur identité grecque, combattirent vaillamment contre les Perses pour reconquérir leur liberté.
C'est au milieu de toutes ces luttes que les Rois pro Grecques de Chypre adoptèrent les principes de la démocratie grecque, le mode de vie et l'art grec. Une vague immense d'hellénisme recouvrit Chypre. La domination perse prit fin, Alexandre le Grand fit sa célèbre expédition en Orient, il fut soutenu par les Rois du pays.
En 332, la victoire d'Alexandre assura la suprématie grecque en Méditerranée orientale et Chypre fut enfin libérée. L'époque romaine 50 avant jusqu'à 330 après J.C, Chypre fut intégrée à la province de Cilicie. Les Romains exploitent au maximum les richesses de l'île. Ce fut aussi le temps où le christianisme fut introduit à Chypre.
C'est sous la domination de Byzance qui dura près de huit siècles que l'hellénisme et le christianisme se développèrent à cette époque. D'importantes constructions, églises, basiliques, furent réalisées. La prospérité régnait sur l'île. Vers le milieu du 8ème siècle, les Arabes du désert firent irruption en Méditerranée orientale. Chypre, bien que bien protégée par la mer, ne fut pas épargnée. Les Arabes pillèrent les villes, détruisant au nom du prophète Mahomet, les basiliques, et toutes représentations religieuses. Ils massacrèrent un très grand nombre de Chypriotes, en dévastant tout sur leur passage.
Les Arabes se retirèrent de Chypre, à la condition que l'île leur paie un tribu annuel. Ainsi, les pauvres Chypriotes se trouvaient doublement taxés, à la fois par l'empire de Byzance et les Arabes. Dix ans plus tard, en 653, les Arabes envahissent une nouvelle fois l'île, et massacrèrent ceux des habitants qui ne s'étaient pas enfuis pour se cacher dans des cavernes ou des montagnes. La terrible occupation arabe durera trente ans.
L'Empereur Byzantin, Nicéphore Phocas II en 965, reconquit Chypre, infligeant une défaite cuisante aux Arabes et aux Egyptiens. Ainsi, Chypre redevient une province byzantine à part entière. La troisième croisade menée par Richard Cœur de Lion, roi d'Angleterre, et de Philippe Auguste, roi de France en 1191, modifia de nouveau les données politiques du pays.
C'est à cette époque que Richard Cœur de Lion se marie avec sa fiancée Bérangère à Limassol, après son débarquement à Chypre, il devient le maître de l'île, après avoir massacré quelques milliers de Chypriotes. Chypre fut vendue par Richard aux Templiers qui vendirent quelques mois après, le pays au Comte Guy De Lusignan, seigneur du Poitou. C'était le début de l'époque France en 1193, qui dura plus de trois siècles.
En 1499, les Génois, puis les Vénitiens envahissent eux aussi Chypre. Ses richesses et ses positions commerciales en Méditerranée sont la cause de nouveaux malheurs. Le peuple est terriblement opprimé. En dépit de la longue présence de la dynastie latine, les Chypriotes restent fidèles à leur identité…>. SUITE
« Du doux pays de Chypre » : reflets de la littérature chypriote à la BULAC
Dans le prolongement de la table ronde « Au-delà de la Ligne verte : les Arts, bâtisseurs du vivre ensemble dans la société chypriote ? », laissez-vous guider par Mariéva Chalvin et Nicolas Pitsos, chargés de collections pour les domaines turc et grec de la BULAC, à travers l’histoire culturelle et littéraire de Chypre et au sein du fonds chypriote de la bibliothèque, une collection unique en France reflétant la diversité linguistique du pays.
Photos : Maxime Ruscio / BULAC
Yurdunu sevmeliymiş insan yurdunu sevmeliymiş insan Öyle diyor hep babam öyle diyor hep babam
Benim yurdum ikiye bölünmüş ortasından benim yurdum ikiye bölünmüş ortasından hangi yarısını sevmeli insan? hangi yarısını sevmeli insan?
Poème de Neşe Yaşın dans sa version originale turque (Sümbül ile Nergis, 1978).
Λένε πως ο άνθρωπος πρέπει την πατρίδα ν’ αγαπά λένε πως ο άνθρωπος πρέπει την πατρίδα ν’ αγαπά έτσι λέει κι ο πατέρας μου συχνά έτσι λέει κι ο πατέρας μου συχνά
Η δική μου η πατρίδα έχει μοιραστεί στα δυο η δική μου η πατρίδα έχει μοιραστεί στα δυο ποιο από τα δυο κομμάτια πρέπει ν’ αγαπώ; ποιο από τα δυο κομμάτια πρέπει ν’ αγαπώ;
traduction en grec
Il paraît qu’il faut aimer son pays Il paraît qu’il faut aimer son pays C’est ce que dit toujours mon père C’est ce que dit toujours mon père
Mon pays est coupé en deux Mon pays est coupé en deux Laquelle de ces moitiés doit-on aimer ? Laquelle de ces moitiés doit-on aimer ?
traduction en français par Mariéva Chalvin
Ode à la réconciliation chypriote, ce poème de Neşe Yaşın a été mis en musique par le compositeur Marios Tokkas.
La période antique
En raison de son emplacement géographique, l’île de Chypre a toujours été un point de rencontre de différentes cultures. Influencée dans un premier temps par la civilisation minoenne, l’île voit l’installation de comptoirs mycéniens puis phéniciens, donnant lieu à une mosaïque humaine et culturelle. Passée sous la domination assyrienne, Chypre connaît une brève période d’indépendance au tournant du VIe siècle av. J.-C., avant de tomber dans l’orbite de l’influence égyptienne puis de passer sous la domination perse. C’est pendant cette période que voit le jour et se diffuse l’arcadochypriote, un dialecte du grec ancien également parlé en Arcadie (dans le Péloponnèse) et en Pamphylie (dans la partie sud-ouest de la Turquie de nos jours)1.
La période byzantine, franque et vénitienne
Entrée dans l’œkoumène des royaumes hellénistiques, l’île se romanise progressivement tout en se christianisant. Intégrée dans l’Empire romain d’Orient (plus largement connu sous le nom d’Empire byzantin), elle est conquise par les croisés de la deuxième croisade, dirigés par Richard Cœur de Lion en 1191. Ce dernier lègue Chypre à la dynastie des Lusignans, originaire du Poitou2. L’île reste entre leurs mains jusqu’en 1489, date à laquelle elle est annexée dans l’empire maritime de la Sérénissime3. Le dialecte gréco-chypriote moderne élaboré pendant cette période n’est pas une évolution de l’arcadochypriote, mais de la koinè, le grec de l’époque hellénistique.
Les prémices de la littérature chypriote moderne d’expression hellénophone commencent à se manifester durant la période médiévale. L’adaptation en dialecte chypriote de récits romanesques tels que Διήγησις Απολλωνίου της Τύρου (Récit d’Apollon de Tyr) en témoigne. Au milieu du XVe siècle, Léonce Machairas rédige sa Chronique de Chypre, dont la BULAC conserve une édition bilingue de 1882, avec le texte original en grec (Χρονικον κυπρου) et sa traduction en français4. De cette période datent aussi des poèmes d’amour conçus en dialecte gréco-chypriote, influencés par les courants littéraires de la Renaissance italienne et plus particulièrement par l’œuvre de Pétrarque5.
La période ottomane
En 1571, les Vénitiens sont chassés par les Ottomans, qui deviennent les maîtres de l’île6. Au cours de cette séquence historique qui s’étend jusqu’en 1878, la société chypriote s’organise autour du concept du millet. Ce terme désigne la formation de communautés sur la base d’appartenance religieuse, de sorte à ce que la vie sociale de chaque sujet ottoman chypriote soit définie par son intégration au sein d’un millet et à l’intérieur d’une corporation professionnelle. Deux communautés confessionnelles sont majoritairement représentées, celle regroupant des chrétiens du rite byzantin et celle réunissant des musulmans. Les frontières entre les deux communautés n’étant pas étanches, on constate le phénomène de bi-confessionnalisme, chez des Chypriotes qui se proclament chrétiens lorsqu’ils doivent assurer le service militaire (réservé aux musulmans) et musulmans lorsqu’il s’agit de payer des taxes supplémentaires dues par les non-musulmans.
Jusqu’au début du XIXe siècle au moins, la plupart des tensions sur l’île semblent plutôt émaner des revendications sociales et économiques (révoltes urbaines ou insurrections paysannes contre les fardeaux fiscaux) que d’une quelconque rivalité intercommunautaire fondée sur des critères d’appartenance religieuse. Le nombre de villages mixtes7 et l’existence de conseils où les membres sont élus à partir de listes conçues sans distinction de religion sont une preuve supplémentaire de la bonne qualité des relations intercommunautaires sur l’île8.
À l’époque ottomane, la littérature turcophone sur l’île est surtout de la poésie classique, dite du « Divân ». À la fin du XVIIe siècle, le tekke (couvent) de la confrérie mevlevie (ordre musulman soufi fondé au XIIIe siècle par Jalal al-Din Rumi, aussi dit Mevlânâ) à Lefkoşa et le tekke Hala Sultan de Larnaca sont des centres culturels et littéraires importants qui forment les premiers poètes turcophones de l’île. La plupart des poètes d’expression turque restent liés au mevlevisme jusqu’à la première moitié du XXe siècle. Le plus ancien que l’on connaisse est Siyahi Dede. Esrar Dede, dont la BULAC possède un recueil (Dīvān-ı belāġat ʿünvān-ı Esrār Dede Efendi), est également un autre poète soufi reconnu. Mais le plus réputé est le mufti Hasan Hilmi Efendi (1782-1847), qui n’est pas représenté à ce jour dans les collections de la BULAC.
L’héritage littéraire grécophone de cette période comprend des ouvrages tels que le récit du pèlerinage à Jérusalem, à la fin du XVIe siècle, de Markantonis Degkrès, un Chypriote de confession chrétienne (Proskynitarion ton Ieorosolymon) ou encore l’histoire chronologique de l’île de Chypre9 rédigée par l’archimandrite Kyprianos et imprimée à Venise en 1788 par l’imprimerie fondée par Nikolaos Glykys10.
En 1847, le premier roman de la littérature chypriote grécophone de l’ère moderne est publié à Athènes. Il s’agit de Θέρσανδρος (Thersandros) d’Epameinondas Fragkoudis. Né à Lemesos, il poursuit ses études à l’Académie Ionienne de Corfou. De retour à Chypre, il est nommé directeur de l’École grecque de Nicosie avant d’aller à Constantinople où il devient rédacteur du journal Τηλέγραφος του Βοσπόρου (Tilegraphos tou Vosporou). Parti s’installer à Bucarest, il continue sa collaboration avec plusieurs journaux grécophones, tels qu’Αμάλθεια (Amaltheia) de Smyrne, Νέα Ημέρα (Nea Imera) à Trieste ou I’Ενωσις (Enosis) à Ermoupoli11.
La période de l’administration britannique
1878 marque le début de l’ère britannique pour l’île. Pourtant, l’île ne devient officiellement colonie britannique qu’après la fin de la Grande Guerre. L’administration coloniale britannique ne remet pas fondamentalement en cause le système du millet ottoman12. Elle ne fait qu’y greffer sa propre politique de « Divide and Rule », en institutionnalisant les différences ethno-religieuses. En témoignent d’une part la mise en place d’un conseil législatif dont la composition est redevable du poids démographique de chaque communauté confessionnelle, et d’autre part la conception d’un système scolaire séparé avec des écoles en langue grecque et des écoles en langue turque. C’est pendant cette période que des velléités indépendantistes voient le jour, surtout parmi les Chypriotes grécophones13.
De leur côté, les Chypriotes turcophones commencent, dans les années 1930, à s’auto-désigner « chypriotes turcs », sous l’influence des idées nationalistes-kémalistes. Ces entreprises identitaires se heurtent au parti communiste chypriote qui tient un discours anticolonialiste tout en refusant les clivages ethno-religieux. Une partie des Chypriotes grécophones partisans de l’Enossis (c’est-à-dire du rattachement de l’île à l’Etat grec) répondent à l’intransigeance britannique avec la création au mois d’avril 1955 d’une organisation, l’EOKA (Εθνική Οργάνωση Κύπριων Αγωνιστών = Organisation nationale des combattants chypriotes), sous le commandement d’un vétéran de la guerre civile grecque, le colonel Grivas14.
Afin de contrecarrer l’influence de ce mouvement insurrectionnel composé de Chypriotes grécophones, les Anglais décident de mettre en place une force de police auxiliaire, essentiellement composée de Chypriotes turcophones, réputés loyaux à la Couronne. À partir de ce moment, des policiers chypriotes turcophones et des membres de l’EOKA vont fatalement s’affronter.
De son côté, la Turquie revient sur le règlement de la question chypriote, en proposant une division de l’île (Taksim) comme alternative à l’Enossis. Pour réaliser ses objectifs géopolitiques, Ankara assiste la communauté turco-chypriote dans la création d’une organisation paramilitaire, le TMT (Türk Mukavemet Teşkilatı, Organisation de la Résistance turque). Cette organisation est en réalité la réplique de l’EOKA : elle défend la communauté turco-chypriote autant qu’elle la purge de ses membres communistes et anti-nationalistes.
À partir de juin 1958, les affrontements inter et intra-communautaires se multiplient, d’abord à Nicosie, puis dans toute l’île ; on assiste aux premiers déplacements de populations.
La génération de l’entre-deux-guerres est influencée par les courants modernistes et l’éclosion des mouvements sociaux. Regroupés autour de la revue Αβγή (Aurore), les écrivains grécophones de cette période partagent une idéologie progressiste, qui se manifeste aussi bien dans le domaine linguistique et la bataille opposant le grec démotique à une version archaïsante du grec moderne, que dans les débats politiques ou les interrogations esthétiques.
Dans Τζιυπριώτικα τραγούδια(Chansons chypriotes), Dimitris Lipertis brosse le tableau d’une société rurale conservatrice. Glafkos Alithersis est le premier écrivain chypriote à utiliser le grec « standard » pour rédiger ses poèmes. Son recueil Μαθητικά τετράδια(Cahiers d’élève) est publié à Alexandrie en 1957. Tefkros Anthias, quant à lui, est persécuté par l’administration britannique, à la fois pour ses idées marxistes et son action anti-coloniale. Dans son Ημερολόγιο C.D.P. (Journal intime C.D.P.), il retrace son expérience d’incarcération sous le régime britannique. La lutte pour l’indépendance et pour le changement social sont des sujets présents dans l’œuvre de Thodosis Pieridis (1908-1968), Kypriakī symfōnia (1956).
Un autre représentant de cette période, Giorgos Filippou Pieridis, raconte dans son roman Οι Βαμβακάδες (Les marchands de coton) le dur labeur des ouvriers du coton à Alexandrie, où il a grandi et travaillé dans des sociétés de commercialisation de ce produit pilier de l’économie égyptienne suite aux réformes introduites par Méhémet Ali.
Nikos Nikolaïdis, auteur de l’ouvrage Πέρ’ απ’ το καλό και το κακό, traduit en français sous le titre Par-delà le bien et le mal, explore dans son œuvre les zones d’ombre de l’inconscient, tout en étudiant en parallèle, dans la vie de ses personnages, les effets dévastateurs d’un environnement social déprimant. Avec sa nouvelle Ο Αγνωστος (1944), Nikos Vrachimis introduit le monologue intérieur dans la littérature chypriote. Loukis Akritas (1909-1965), proche du président Makarios, publie en 1936 Ο Κάμπος (Le champ), roman inspiré de ses propres expériences de la plaine de Messaoria, brossant un tableau réaliste des conditions de vie des paysans pendant la première période de l’occupation britannique.
Kaytaz-zâde Mehmed Nâzım Efendi (1857-1924), quant à lui, est non seulement poète, mais aussi l’auteur de deux romans dont Yâdigâr-ı Muhabbet (le premier roman chypriote en turc, publié pour la première fois en 1894) et d’une pièce de théâtre.
Les chypriotes turcophones, à la suite de la Turquie, commencent à utiliser l’alphabet latin à partir de 1929, mais publient très peu entre 1923 et 1955 en raison de la répression anglaise. Dans les années 1930 et 1940, des auteurs tels que Hikmet Afif Mapolar (poète, nouvelliste et romancier très prolifique, auteur de Potuğun pembesi et Mermer kadın), Pembe Marmara, Urkiye Mine Balman ou encore le poète Osman Türkay commencent cependant à écrire.
C’est dans les années 1950 que l’on voit émerger Özker Yaşın, Taner Baybars, Kutlu Adalı (qui fut d’abord nationaliste turc, puis partisan d’une identité chypriote dépassant le clivage grec-turc et qui fut assassiné pour cela), Neriman Cahit ou encore Fikret Demirağ.
La période de la République chypriote
Dans ce contexte de confrontations intercommunautaires et intracommunautaires, les gouvernements britannique, grec et turc signent l’accord de Zurich qui prévoit l’indépendance de l’île. En août 1960, Chypre devient un État indépendant mais sous tutelle. La constitution de ce nouvel État est imposée par les trois puissances garantes, la Grande-Bretagne, la Grèce et la Turquie, sans consultation directe des citoyens chypriotes. Elle pérennise la séparation des deux communautés en deux corps électoraux distincts. Les uns élisent le président, les autres le vice-président, sans que cela puisse donner lieu à des négociations de type transversal, susceptibles de favoriser des alliances fondées sur la proximité idéologique et non sur des « identifications » ethno-religieuses.
L’organisation politique de la nouvelle République ainsi conçue et mise en place montre assez vite ses limites et se heurte à des revendications antagonistes des deux communautés. Les dysfonctionnements institutionnels et les affrontements intercommunautaires se multiplient.
Makarios, le premier président chypriote élu, soutient tout au long de cette période la position de l’indépendance complète et sans conditions ou attaches privilégiées à un pays quelconque. Il essaye de rapprocher les communautés gréco-chypriote et turco-chypriote et se prononce de manière claire et nette contre l’Enossis. En revanche, des bandes armées organisées par Grivas attaquent de nouveau, à partir de 1967, des villages chypriotes turcophones. Dans un tel contexte, la Turquie se prépare à intervenir.
Le prétexte est donné en juillet 1974, quand la garde nationale chypriote et l’armée grecque cantonnée dans l’île renversent l’archevêque Makarios, suite à un coup d’état fomenté et orchestré par la junte grecque. Conformément à l’accord de 1959, le gouvernement d’Ankara intervient. Suite à une deuxième invasion turque en août, la ligne verte ou ligne Attila, qui désigne désormais la ligne de démarcation entre les deux parties de l’île, est tracée. Elle est suivie d’un déplacement de populations grécophones vivant dans le Nord vers le Sud et l’inverse pour des populations turcophones15.
Suite à cette division géographique et territoriale survient la division politique avec la proclamation en 1983 de la République turque de Chypre du Nord, que seule la Turquie reconnaît.
Une division supplémentaire voit le jour au niveau symbolique, comme le constate l’anthropologue chypriote Yiannis Papadakis16. Celui-ci observe, au sein des deux communautés, une construction nationaliste du passé associée à une mémoire sélective concernant les séquences traumatisantes des années avant et après l’invasion de 1974.
Malgré leurs représentations et perceptions divergentes de l’histoire, les deux communautés entament des négociations sous l’égide de l’ONU dès le lendemain de 1974, afin d’arriver à réaliser la réunification de l’île sur le principe d’un État fédéral bi-communautaire et bi-zonal17. En 2004, la République de Chypre adhère officiellement à l’Union européenne. Les négociations pour une solution viable de la « question chypriote » se poursuivent18.
Les expériences traumatisantes des tensions intercommunautaires, du coup d’État et de l’invasion turque ou du déplacement forcé de populations sont des sujets récurrents dans la littérature chypriote d’expression grécophone. Nikos Kranidiotis (1911-1997), proche du président Makarios et co-éditeur de la revue Κυπριακα γραμματα (Lettres chypriotes), fait partie de cette génération19. Giórgos Filíppou Pierídis (1904-1999) évoque la tragédie de la division de l’île dans son œuvre Ο καιρός της δοκιμασίας (Le temps de l’épreuve) (1978). Kyriákos Charalampídīs (1940-….) met en avant le drame des personnes portées disparues dans Θόλος (Tholos, 1989). Pour sa part, Lina Solomidou (1924-2008) essaie de reconstituer les événements du coup d’État et de l’invasion turque à travers des entretiens avec les témoins. Rina Katselli, première femme chypriote à siéger au Parlement, aborde la question des personnes déplacées dans Πρόσφυγας στον τόπο μου (Réfugié dans mon propre pays). De son côté, Manos Kralis (1914-1989) parle des conséquences tragiques de l’invasion dans son ouvrage Γεύση Θανάτου (Gefsi Thanatou, 1974).
Au-delà des traces de la question chypriote, les écrivains explorent les chemins de l’écriture elliptique ou de la narration polycentrique, à l’instar d’Ivi Meleagrou (1928-2019) dans Ανατολική Μεσόγειος (Méditerranée orientale) (1969). Enfin, le poète et écrivain prolixe Kṓstas Montīs (1914-2004) mêle dans son œuvre Ο αφέντης Μπατίστας και τ΄άλλα (Le seigneur Battista et autres destin) des éléments autobiographiques et historiographiques avec des récits et des légendes populaires.
Ce poème de Kṓstas Montīs (traduit ci-dessous) fait référence à la lutte anticoloniale à Chypre sous administration britannique.
Et tout d’un coup la liberté
nous prit aux épaules
et sans hésiter, nous nous sommes jetés
sur la pente ardue.
Kṓstas Montīs, « Révolution chypriote ».
Dans les années 1960, dans le contexte d’une société militarisée et sans liberté d’expression, la poésie turcophone est marquée par deux courants principaux : les « poètes abstraits » – influencés par le courant turc du « second renouveau » (ikinci yeni), le dadaïsme et le surréalisme, et dont les figures de proue sont Kaya Çanca, Fikret Demirağ ou encore Mehmet Kansu (également auteur d’essais et de nouvelles) -, s’opposent à la poésie nationaliste, représentée notamment par Özker Yaşın. Cette seconde école produit des poèmes au ton épique, héroïque, souvent romantique, ayant souvent recours à une rhétorique du « nous » contre « eux ». On y trouve certains motifs récurrents tels que la Turquie comparée à une mère, ou encore l’évocation d’Erenköy (Tilirga), où les chypriotes turcs (y compris certains étudiants revenus spécialement de Turquie pour cela, comme le poète Süleyman Uluçamgil) se sont battus contre les chypriotes grecs.
Hikmet Afif Mapolar, qui continue à écrire, et Numan Ali Levent sont d’autres poètes marquants des années 1960.
Collections de la BULAC, cote 15CY 842.17 YAS S. Le titre en turc, Sınırdışı saatler, est transcrit dans l’alphabet grec, Σηνηρδησ̇ι Σαατλερ.
Les années 1970 voient l’avènement de la « poésie socialiste », dont le principal représentant est Fikret Demirağ. Deux autres poètes importants de cette période sont Osman Türkay, qui écrit aussi en anglais, et Zeki Ali.
Après 1974 apparaît un « front du rejet » contre la partition de l’île, le militarisme et le nationalisme turc, dont font notamment partie Neşe Yaşın (Rose falling into night), Mehmet Yaşın (dont la BULAC possède un recueil de poèmes en langue originale, ainsi que le roman Sınırdışı saatler et deux recueils traduits en français : Constantinople n’attend plus personneet La rencontre de Sapho et Rûmî), Hakkı Yücel et Filiz Naldöven (dont un recueil de poésie intitulé Mağma mavera est disponible à la bibliothèque, et qui écrivait aussi des pièces de théâtre). Ces poètes défendent une identité chypriote, plutôt qu’une identité turque ; paradoxalement, ils ont plus de succès en Turquie que leurs prédécesseurs. Ils influencent également Fikret Demirağ. Cependant, la plupart des autres écrivains et poètes de cette décennie emploient encore une tonalité nationaliste.
Dans les années 1980 émergent Özden Selenge, qui écrit sur la disparition de la vie rurale, Feriha Altıok, Ümit İnatçı, et Tamer Öncül.
Les « poètes hybrides » de la décennie suivante, nés après la partition de Chypre, souffrent encore cependant de ses conséquences. Leur poésie est anarcho-érotique ; ils revendiquent une certaine hybridité et rejettent les étiquettes nationales. On trouve notamment parmi eux Gür Genç (Yolyutma, Yağmur yüzünden), mais également Jenan Selçuk (Haz, Kaza), Faize Özdemirciler (Rumca Küstüm Türkçe Kırıldım) et Rıdvan Arifoğlu.
À partir du milieu des années 1990, Bekir Kara commence à publier des pièces de théâtre, des nouvelles et un roman (Unutma – Bellekteki izler). C’est aussi à cette période que paraissent les premiers romans de Mehmet Yaşın et Derviş Zaim (ce denier, auteur de Ares harikalar diyarında et Rüyet, est également cinéaste20) ainsi que deux recueils de poèmes de Raşit Pertev : Gür Yapraklar Işıklar İçinde et Kâni-Veran. Cette dernière œuvre, entièrement écrite en parler turco-chypriote populaire et illustrée de photographies anciennes, évoque la ville de Larnaca pendant la guerre de 1964-1974. Pertev est également romancier, nouvelliste et dramaturge.
Aujourd’hui, les auteurs turcophones les plus reconnus à Chypre sont Emre İleri, Senem Gökel (poésie), Mehmet Arap (nouvelle), Cengiz Erdem (roman) alors que du côté grécophone, on peut évoquer les noms de Elli Paionidou (poétesse), Tefkros Michailidis (romancier), Rina Katselli (écrivaine de pièces de théâtre) ou Kyriakos Charalambidis (poète).
Quel classement pour la littérature chypriote à la BULAC ?
Comment classer ces œuvres littéraires dans une bibliothèque comme la BULAC, où les critères linguistiques recoupent parfois les critères géographiques ? Les deux langues principales de l’île étant le grec et le turc (avec l’anglais comme troisième langue officielle, car l’île fait partie du Commonwealth), ces ouvrages auraient pu être intégrés respectivement dans les domaines grec (15GR) et turc (23TR), selon un découpage linguistique. La BULAC a cependant opté pour un classement majoritairement géographique de ses collections et un fonds chypriote a été constitué, dont les ouvrages en libre accès sont cotés 15CY21.
Ces considérations taxonomiques soulèvent la question de la définition même de la littérature chypriote. Une œuvre relève-t-elle de la littérature chypriote lorsqu’elle est écrite par un natif de Chypre ? Lorsqu’elle est publiée à Chypre ? Qu’en est-il lorsque l’auteur est originaire de Turquie mais réside depuis longtemps à Chypre, comme Burcu Karagöz ? Et que penser de Taner Baybars, locuteur natif du turc, né à Chypre mais ayant vécu la plus grande partie de sa vie hors de l’île et ayant écrit en anglais, ou de Tefkros Michailidis, né à Chypre mais installé depuis longtemps en Grèce ? À l’occasion de la préparation de la table ronde de mai 2019 intitulée « Au-delà de la Ligne verte : les Arts comme bâtisseurs du vivre ensemble dans la société chypriote ? » et de la rédaction de ce billet, il est d’ailleurs apparu que des œuvres d’auteurs chypriotes turcophones avaient été cotées en 23TR et des œuvres d’auteurs chypriotes grécophones en 15GR.
Profil éditorial des 55 titres de littérature chypriote présents en libre accès sous la cote 15CY22
Littérature chypriote grécophone cotée 15CY
langue de publication
lieu d’édition
français-grec
19
Besançon
15
grec
8
Athènes
6
français
5
Nicosie
5
anglais
1
Nancy
3
grec-anglais
1
Paris
2
Montpellier
2
Sèvres
1
Littérature chypriote turcophone cotée 15CY
langue de publication
lieu d’édition
turc
18
Nicosie
11
anglais
1
Famagouste
6
français
1
Istanbul
4
Ankara
2
Saint-Pourçain-sur-Sioule
1
L’analyse statistique de la collection littéraire chypriote de la BULAC mériterait deux commentaires supplémentaires.
D’une part, on constate une présence importante de traductions en français depuis l’œuvre originale en grec et d’éditions bilingues en grec et en français. Ce phénomène est dû en grande partie à l’activité éditoriale de la maison Praxandre (du nom du fondateur légendaire de la ville de Kyrenia/Girne) à Besançon et aux travaux d’Andreas Chatzisavvas, professeur de littérature chypriote à l’Université de Nancy.
D’autre part, les essais et anthologies en rapport avec la littérature chypriote se focalisent très souvent uniquement sur la composante hellénophone de cette création. Il est vrai que la diffusion des œuvres des auteurs chypriotes d’expression turque est rendue difficile par le contexte géopolitique et l’enclavement de la partie nord de l’île, majoritairement turcophone ; elles sont donc peu connues en dehors de Chypre et de la Turquie, et passent d’abord par cette dernière lorsqu’elles s’exportent. De nombreux chypriotes turcophones sont d’ailleurs directement publiés par des maisons d’édition basées en Turquie.
Enfin, la présence dans les collections de la BULAC d’un ouvrage tel que Σύγχρονοι Τουρκοκύπριοι ποιητές : Απόπειρα επικοινωνίας (Poètes contemporains turco-chypriotes : tentative de communication), proposant des traductions en grec de poèmes écrits par des poètes chypriotes turcophones, reflète la volonté d’une partie de la société chypriote actuelle d’œuvrer en faveur d’une meilleure connaissance mutuelle de la littérature insulaire au-delà des lignes de démarcation et des barrières linguistiques. Ce type d’initiative éditoriale fait prendre conscience à l’ensemble des citoyens chypriotes de la diversité ou au moins de la dualité linguistique de leur patrimoine littéraire.
Cette tendance saurait être un élément fondamental dans le rapprochement entre les deux parties de l’île séparées depuis 1974 par la ligne verte et elle pourrait contribuer à une réunification effective de la société chypriote autour de la notion de chypriotisme, c’est-à-dire d’une conception citoyenne de la nation, en opposition avec des entreprises identitaires basées sur des critères ethno-religieux.
Les gens dans le cas de Chypre, ne doivent pas être compris comme un ethnos, une communauté d’origine, de langue et de culture, mais comme un démos, c’est-à-dire des citoyens dans une démocratie libérale, déjà existante ou en voie de l’être.
Pavlos Tzermias, « A United Cyprus as a Factor of Stability in the Eastern Mediterranean », Mediterranean Quarterly, 8 (1), 1997, p. 29.
Harid Fedai, « Çağdaş Kıbrıs Türk Edebiyatı », CYPNET’s North Cyprus [en ligne].
Ressources sur la littérature chypriote grécophone
Une anthologie de la littérature chypriote :
Premier tome, du XIe au XIXe siècle : Λεύκιος Ζαφειρίου, Αλέξανδρος Μπαζούκης, Γιώργος Μύαρης, Κείμενα Κυπριακής Λογοτεχνίας Τόμος Α ́, Είδος: Ποίηση / Διήγημα, 2015 [en ligne].
Second tome, au XXe siècle : Λεύκιος Ζαφειρίου, Αλέξανδρος Μπαζούκης, Γιώργος Μύαρης, Κείμενα Κυπριακής Λογοτεχνίας Τόμος B ́, Είδος: Ποίηση / Διήγημα, 2017 [en ligne].
Citer ce billet : Nicolas Pitsos, "« Du doux pays de Chypre » : reflets de la littérature chypriote à la BULAC," dans Le Carreau de la BULAC, 9 juin 2020, https://bulac.hypotheses.org/30370. Consulté le 2 octobre 2020
Voir Jean Richard, Chypre sous les Lusignans : documents chypriotes des archives du Vatican (XIVe et XVe siècles, Beyrouth : Presses de l’Ifpo, 2014. Les Assises sont rédigées en gréco-chypriote pendant cette période. Ce document est à la fois intéressant du point de vue de l’histoire juridique mais il constitue également une source précieuse pour l’étude du gréco-chypriote au XIVe siècle. À la BULAC, on retrouve une traduction en anglais de l’original. Voir The assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus / transl. from the Greek by Nicholas Coureas, Nicosie, Cyprus Research Centre, 2002. [↩]
Voir Βάσος Καραγιώργης, Λουκία Λοΐζου-Χατζηγαβριήλ, Χρύσα Μαλτέζου, Κύπρος : πετράδι στο στέμμα της Βενετίας(Chypre : joyau de la couronne de Venise), Leukōsia : Fondation Anastasios G. Leventēs, 2003. [↩]
On trouve un manuscrit de cette chronique dans les collections de la Bibliothèque Marciana à Venise. [↩]
Il y avait 346 villages en 1891 selon Richard A. Patrick dans son ouvrage Political geography and the cyprus conflict, 1963-1971, University of Waterloo, 1976, p.12. [↩]
Voir Hakan Yavuz, « The evolution of ethno-nationalism in Cyprus under the ottoman and british systems », Cyprus review, 1994, p. 57-79. [↩]
Cyprianus, Ιστορία της Κύπρου (Histoire de Chypre), Venise, 1788, collections de la BULAC, cote BULAC RES MON 4 1182. [↩]
Né à Yanina en 1619, Nikolaos Glykys vient s’installer à Venise en 1647 afin de poursuivre ses activités commerciales. Après avoir racheté l’imprimerie d’Orsino Albrizzi, il acquiert l’apanage de l’impression d’ouvrages importants en langue grecque. Son sceau est formé d’une abeille entourée des initiales de son prénom (N) et de son nom de famille (ΓΛ). [↩]
Comme l’explique Athanassia Anagnostopoulou dans son article « Chypre de l’ère ottomane à l’ère britannique (1839-1914), le rôle de l’Eglise orthodoxe chypriote », Etudes balkaniques, 1998, 5, p. 147, l’administration coloniale s’appuie même sur l’Eglise pour contrer l’influence du parti communiste chypriote fondé en 1926 et interdit en 1933, qui renaît sous le nom d’AKEL (Ανορθωτικό Κόμμα του Εραζόμενου Λαού, Parti réformateur des travailleurs) en 1939. [↩]
Pour une « lecture » britannique des événements de cette période, notamment pendant les années 1950, voir les mémoires de Lawrence Durrell, l’écrivain et diplomate britannique qui assumait à Nicosie le poste d’officier chargé des relations publiques du Royaume-Uni. Lawrence Durrell, Citrons acides, Paris : le Livre de poche, 1994. [↩]
Né à Chypre mais formé en Grèce et officier de l’armée grecque, le colonel Grivas est l’ancien chef de l’organisation d’extrême droite X farouchement anticommuniste, qui a joué un rôle obscur pendant l’Occupation et la guerre civile. [↩]
Voir Jacques Lacarriere, Voúla Loúvrou (trad.), Λευκωσία : η νεκρή ζώνη(Nicosi : zone morte), Athī́na, Ekdóseis Olkós, 2003. [↩]
Voir Nikos Kranidiotis ; éd. bilingue sous la dir. d’Andréas Chatzisavas, Le capitaine Panagos : et autres nouvelles, Nancy : Presses universitaires de Nancy, 1994. [↩]
Avec son ami, le réalisateur chypriote grécophone Panikkos Chryssanthou, ils se sont engagés dans un cinéma de réconciliation et de fraternisation entre les deux parties de l’île. [↩]
Le fonds chypriote de la BULAC compte plus de 750 documents comprenant notamment des récits de voyage, pour le fonds ancien, mais aussi des ouvrages d’histoire, de linguistique, de sciences politiques ainsi que des œuvres littéraires. On y trouve également des guides touristiques, des monographies illustrées et diverses ressources en sciences humaines et sociales. [↩]
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L'Archevêque CYPRIEN Héros et Martyr chypriote pendu par les Turcs en 1821
Article extrait de la "Revue Britannique" (1827) "Choix d'articles choisis parmi les meilleurs périodiques de Grande Bretagne"...
"A Nicosie, nous fûmes accueillis avec la plus touchante cordialité par l'archevêque de l'île, Cyprien, vénérable vieillard qui, peu de jours après notre départ, obtint la palme du martyre. Il nous procura une jolie maison, avec jardin; mais durant le peu de jours que nous passâmes dans cette ville, nous dinions et soupions régulièrement à son palais, d'où il nous ramenait à notre habitation, à la tète de son chapitre. Ce prélat nous montrait une affabilité et des attentions excessives, au moment où il devait être le plus alarmé sur son sort et sur celui de son clergé. Quelle situation était en effet plus déplorable que la sienne ! Élu par les habitants de l'ile, agréée par le sultan, il possédait jadis une influence supérieure à celle du gouverneur, mais dont la révolution l'avait dépouillé. Témoin des massacres et des brigandages exercés sur son troupeau, il lui fallut dévorer son indignation et sa douleur. Placé constamment sous l'œil inquiet des féroces oppresseurs de sa patrie, il ne pouvait se rendre utile aux malheureux Grecs qui imploraient son assistance, que par des secours clandestins, et, sous ce rapport, sa charité se montrait inépuisable. Mais, en ce moment, sa propre sûreté était violemment menacée; insulté tous les jours par la soldatesque : « Ma mort n'est pas éloignée, nous disait-il ; je sais qu'on ne cherche qu'un prétexte pour se défaire de moi. » L'infortuné ne se trompait pas. Un soir, à souper, un de ses gens lui annonça un message du gouverneur. Nous le suivîmes dans la salle où le janissaire l'attendait; il lui remit une dépêche qu'il accompagna des expressions les plus outrageantes. L’archevêque, ne pouvant contenir son indignation, répondit avec chaleur qu'il n'obéirait jamais. Le janissaire partit, et nous retournâmes à table. A notre aspect, je vis la terreur empreinte sur les traits des ecclésiastiques nos convives. Cyprien fit de vains efforts pour les rassurer; tout trahissait sa profonde émotion. En retraçant la barbarie ottomane, une noble énergie se peignait sur sa figure ; il protesta de sa détermination à ne plus se soumettre à tant d'outrages, et encouragea ses auditeurs à supporter dignement les nouvelles épreuves que la Providence réservait à leur courage. Je n'ai rien entendu de plus éloquent que l'allocution de ce digne prélat: nul ne songea à l'interrompre; on eût dit les derniers adieux d'un père à ses enfants. Il savait trop bien qu'à l'instant même où son âme intrépide et généreuse cesserait de les protéger, ils tomberaient tous, comme la colombe timide, dans les serres sanglantes du vautour. L'attention respectueuse des ecclésiastiques, la contenance imposante de leur chef, sa barbe blanche flottant sur sa poitrine, ses regards animés d'un feu céleste, offraient un tableau que je n'oublierai de ma vie. Non moins recommandable par ses lumières et sa pitié que par son courage inébranlable, Cyprien était à Chypre le dernier point de ralliement des malheureux Grecs ; sa fermeté à les défendre auprès des autorités turques pesait depuis longtemps à ces suppôts de tyrannie. Il ne parlait jamais, sans fondre en larmes, des massacres commis dans son bercail, et quand nous lui demandions comment, au milieu de tant de dangers, il ne cherchait pas son salut dans la fuite « Je resterai, répondait-il, pour offrir à mes frères toute la protection que je puis leur donner, ou pour mourir avec eux. »
1912
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"Informations"
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