Les dessous de la crise à Chypre : une fourmi entre deux éléphants
Chypre pourrait-elle devenir le prochain pays européen à se soumettre à l’austérité imposée par la Troïka ? C’est la question que l’on est en droit de se poser face aux 10 milliards d’euros nécessaires au pays pour sauver son économie, un plan de sauvetage récemment rejeté par le Parlement chypriote.
La première réaction du peuple chypriote face à cette décision qualifiée d’autoritaire, a été de mettre la pression sur les partis politiques et le gouvernement pour ne pas adopter cette solution. Les Chypriotes ont refusé d’accepter ce plan parce qu’ils considéraient que ces mesures auraient détruit le modèle économique sur lequel Chypre avait fondé sa croissance : les services financiers et le tourisme. La mise en place de ces mesures aurait chassé les investisseurs étrangers hors du pays et créé une incertitude fatale pour l’économie.
Mais le Parlement a rejeté le dit-plan et le gouvernement chypriote a cherché un plan B à proposer à la Troïka (Banque centrale européenne, Commission européenne, Fonds monétaire international).
Europe : la concurrence fiscale en cause
De plus, la décision prise l’année dernière de couper la dette grecque a fait perdre 5,8 milliards d’euros aux deux plus grandes banques chypriotes. Leur dette s’est accumulée en même temps que la dette du pays, qui s’élevait à 2,5 milliards d’euros, pour un total d’environ 17,5 milliards d’euros. Quand on considère que l’UE a déboursé plus de 90 milliards d’euros pour sauver une seule banque espagnole, ce montant paraît relativement peu élevé. Le plan pour sauver l’économie chypriote représente seulement 0,2% des économies des pays de la zone euro.
Or, l’Allemagne accuse Chypre d’être un paradis fiscal, d’avoir un secteur bancaire trop important et de faire du blanchiment d’argent russe. La réalité est que Chypre a les mêmes taux de taxes sur les entreprises que Malte. Luxembourg a proportionnellement un secteur bancaire plus grand et l’Allemagne est autant impliquée que Chypre dans le blanchiment d’argent conformément à des publications provenant de l’Allemagne elle-même.
Sauver l’économie ou les apparences ?
La réponse est double. D’une part, Chypre leur sert de cobaye pour pouvoir ensuite imposer des taxes sur les dépôts bancaires dans d’autres pays d’Europe. Si ces mesures sont adoptées à Chypre, elles pourraient touchées les épargnants espagnols et portugais par la suite. D’après un sondage réalisé par l’Ifop pour Sud-Ouest Dimanche, quatre Français sur dix pensent qu’une taxe pourrait toucher leurs comptes bancaires.
D’autre part, Chypre se présente comme une solution à la dépendance de l’Europe envers la Russie pour l’énergie. En effet, la carte géopolitique change et les enjeux se trouvent dans le contrôle des ressources d’énergie. Récemment, des réserves de gaz naturel et de pétrole d’une valeur estimée à un trillion (soit un milliard de milliards) d’euros ont été découvertes dans la zone économique exclusive de Chypre. La confiscation des dépôts bancaires à Chypre viserait ainsi à dégrader sa relation avec la Russie, pour éviter la création d’une co-exploitation qui pourrait laisser l’Europe hors des bénéfices.
Cette situation nous rappelle l’époque de la guerre froide où deux éléphants se battaient. Cette fois-ci, une fourmi se trouve au milieu et résiste pour ne pas qu’on lui marche dessus !
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